Janvier 2024
Pour reconnaître les bénévoles de l’IRAC et leur rendre hommage, nous avons le plaisir de vous présenter Harriet Burdett-Moulton, membre du groupe de travail autochtone de l’IRAC.
Merci, Harriet!
Pourquoi avez-vous décidé de devenir architecte?
Je pense que ma décision de devenir architecte a d’abord été influencée par mon père, qui concevait et bâtissait des bateaux et des maisons et qui a bâti toutes les maisons dans lesquelles nous avons vécu. Elle a aussi été influencée par une soirée à laquelle j’ai assisté avec l’étudiant en génie que je fréquentais en 1970 alors que j’enseignais dans une école d’Halifax (N.-É.). Un soir de printemps, il a proposé que nous visitions un groupe d’étudiants plutôt étranges qui occupaient l’un des pavillons d’ingénierie de la Nova Scotia Technical University (aujourd’hui l’École d’architecture Dalhousie). Nous sommes entrés dans la classe aux environs de 22 h. En ouvrant la porte, j’ai vu des gars rassemblés en cercle autour d’un feu de joie qui buvaient de la bière. Ils nous ont expliqué qu’ils étaient en train de brûler les maquettes des bâtiments qu’ils avaient présentées comme projets de fin de session et qu’ils célébraient l’événement. Avec le recul, je suppose que ces étudiants avaient désactivé le système d’alarme-incendie, car il ne s’est pas enclenché malgré les flammes et la fumée. Bien sûr, c’étaient des étudiants en architecture. Je me suis inscrite dès l’automne suivant et je pense que je n’aurais pu choisir une formation et une profession plus intéressantes et stimulantes.
Depuis combien de temps êtes-vous membres de l’IRAC et qu’elle est la valeur de votre adhésion à vos yeux?
Je suis devenue membre de l’IRAC en juillet 1977. Mon adhésion m’a permis d’établir des liens avec un groupe de Canadiens aux vues similaires. Elle m’a aussi permis d’approfondir mes connaissances en architecture grâce à des programmes de formation, des ateliers, des conférences et l’accès à une plateforme où les architectes partagent leurs idées par le biais de bulletins, de rencontres et de sites Web. Comme j’ai travaillé dans une partie du Canada très rurale et éloignée, je trouvais réconfortant de savoir que j’avais accès à une source de connaissances et de soutien en cas de besoin.
Pourquoi êtes-vous bénévole pour l’IRAC?
Je suis bénévole à l’IRAC parce que ma vision ne me permet plus de concevoir, de dessiner et de réviser activement des documents. J’ai aimé tous les aspects de l’architecture, à l’exception de l’examen des dessins d’atelier de quincaillerie. Je veux redonner un peu de ce que j’ai reçu. Le bénévolat pour l’IRAC me permet de rester en contact avec la profession et de constater l’incroyable progrès réalisé dans la technologie, les matériaux et la réponse que peut apporter l’architecture aux changements sociaux. Je me suis toujours intéressée aux façons dont les usagers des bâtiments pouvaient participer à leur conception et je me réjouis de constater que la voix des peuples autochtones se fait de plus en plus entendre en architecture.
Quel rôle l’IRAC et les architectes peuvent-ils jouer à votre avis sur les plans, notamment, de l’action climatique, de la vérité et de la réconciliation et de la réforme de l’approvisionnement?
L’action climatique est une préoccupation mondiale qui aura des incidences sur tous les aspects de nos modes et de nos lieux de vie, ainsi que sur les infrastructures sous-jacentes. Les architectes et les ingénieurs sont les personnes qui ont réalisé ces infrastructures qui fonctionnent depuis des milliers d’années. Ils sont les personnes qui devront s’adapter pour continuer à les faire fonctionner pour les générations futures. L’IRAC est la plateforme qui soutient les architectes. Je sais que c’est une évidence, mais je crois qu’il fallait le dire. Les architectes sont les personnes qui travaillent, généralement discrètement et dans l’ombre, pour nous faciliter la vie dans nos villes et villages. Le défi pour les architectes est de savoir comment s’adapter à nos systèmes pour que cela continue à fonctionner. En général, je trouve que les architectes ont une très grande conscience sociale et sont prêts à travailler avec d’autres groupes sur ces questions.
À votre avis, qu’est-ce qui changera ou orientera le plus la pratique au cours des cinq prochaines années?
Le changement climatique aura des incidences sur nos façons de penser et de pratiquer l’architecture. Je crois qu’il y aura un virage dans notre approche à la construction des bâtiments pour réduire notre empreinte carbone et offrir des abris durables et résilients face au climat et qui peuvent aussi héberger des populations migrantes. C’est un énorme changement qui bouleversera le statu quo et qui s’opérera sur plus de cinq ans. J’espère toutefois qu’il est déjà en cours.
Dans bien des pays, on observe aussi un mouvement en faveur de l’inclusion des peuples autochtones dans la profession.J’espère que la diversité des groupes de personnes sera mieux acceptée et que ces groupes apporteront des idées différentes qui se peaufineront mutuellement et renforceront la profession architecturale et la rendront plus résiliente. La profession sera alors en mesure d’apporter une réponse au changement climatique dans tous ses aspects, ce qui se répercutera sur nos modes de vie. Les peuples autochtones sont les gardiens des terres et il est important d’en tenir compte dans l’architecture.
À votre avis, quels sont les plus grands défis dans le travail de l’architecte?
La plupart des gens ne comprennent pas le rôle de l’architecte. Pourtant, tout le monde voit et sait ce que font un médecin ou un enseignant. Comme une grande partie du travail de l’architecte est invisible, les gens ne savent tout le travail que suppose la réalisation des bâtiments qu’ils voient et ils n’apprécient pas la profession à sa juste valeur. Je pense que c’est un gros défi pour les architectes de voir leur travail apprécié par le grand public dans la mesure où il devrait l’être. Il n’y a pas de sensibilisation sociale à l’architecture comme il y en a pour bien d’autres professions. La profession n’est pas appréciée ni respectée comme elle le devrait. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles il est difficile de recruter de futurs architectes et d’exercer la profession.
Comment intégrez-vous la diversité, l’équité et l’inclusion dans votre milieu de travail, dans l’environnement bâti et dans votre bénévolat?
En juillet 2023, j’ai assisté au Congrès mondial des architectes de l’UIA à Copenhague. Lors de la cérémonie d’ouverture, j’ai regardé autour de moi et j’ai exprimé ma surprise, car je n’avais jamais vu un plus grand nombre de personnes à la peau brune que de personnes à la peau blanche et si peu de complets dans une conférence. J’ai grandi dans une communauté où il y avait très peu de « Blancs » à part les administrateurs. La communauté ne faisait pas partie de cette classe. Quand j’ai travaillé dans l’Arctique, j’ai souvent eu l’impression que les architectes de l’extérieur traitaient la population locale avec moins de respect. Je pense qu’il est très important de traiter le client sur un pied d’égalité et de lui expliquer ce que nous faisons. Souvent, il suffit de s’assurer qu’il comprend les termes que nous utilisons. À Iqaluit, nous avions une petite firme de 12 personnes. À une certaine période, cinq d’entre elles étaient des Autochtones et quatre étaient des femmes. L’équilibre variait, mais dans les années 1980, c’était un point dont nous pouvions nous enorgueillir.
Quel est le domaine de sensibilisation et de défense des intérêts important pour vous?
L’une de mes définitions préférées de l’architecture est la suivante : l’architecture est l’art et la science de s’assurer que nos villes et nos bâtiments correspondent réellement aux modes de vie que nous souhaitons. Pour moi, l’architecture est le plaisir de résoudre un puzzle de conception et de construction d’un bâtiment d’une manière esthétique. Le résultat de l’architecture et de l’ingénierie crée le cadre dans lequel fonctionne notre société. Il fournit les infrastructures qui nous permettent de vivre et je veux encourager les gens à continuer de soutenir cette structure pour les générations futures, ici sur la terre, et qui sait, peut-être même dans l’espace, dans un futur lointain.
Il est important pour moi de plaider en faveur des droits des Autochtones. Je suis née et j’ai grandi sur la côte du Labrador, dans une société où tous les membres de la communauté étaient égaux. Lorsque j’ai déménagé dans le sud, je me sentais toujours égale aux autres et j’ai vécu ma vie en conséquence. Mais je sais maintenant que je suis une Métisse et j’ai vu tous les torts causés à mes frères autochtones et j’en ai entendu parler. Je me réjouis de constater que nous semblons maintenant aller dans la bonne direction.
Qu’est-ce que vous aimez en dehors de l’architecture?
L’une de mes passions en dehors de ma profession est la conception et la fabrication de bijoux. Au grand dam de ma famille, j’aime aussi rénover de vieux bâtiments. Il est arrivé que mes enfants dorment sous des tables et que nous lavions la vaisselle dans la baignoire pendant que nous vivions dans des maisons en rénovation. J’ai aussi une relation amour/haine avec le kayak de mer. Mon mari et moi avons fait du kayak dans l’Arctique, l’Atlantique et le Pacifique, ainsi que dans le golfe du Mexique et en Nouvelle-Zélande. Enfin, j’aime les arts martiaux et je suis ceinture noire au judo.